Dénigrer sa hiérarchie sur Facebook justifie un licenciement disciplinaire

Publié le par bara de la cgt

Vendredi 19 novembre, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a jugé légitime le licenciement pour faute grave de deux salariées ayant critiqué un supérieur hiérarchique sur le réseau social Facebook.


 

Bien que les propos aient été tenus en dehors du temps de travail, aucune atteinte au droit au respect de la vie privée n’a été retenue par les juges du fond. L’accès à la page concernée, ouvert non seulement aux « amis » mais aussi aux « amis d’amis », dépassait en effet la sphère privée, ce qui permettait à l’employeur de se prévaloir des conversations litigieuses à l’appui des licenciements.

Critiques sur une page personnelle Facebook

Trois salariés avaient été licenciés pour faute grave pour avoir, un samedi soir, sur la page personnelle Facebook de l’un d’eux, échangé sur le « club des néfastes », club virtuel destiné à rassembler les salariés de la société autour d’un « rite » consistant à tourner en ridicule une supérieure hiérarchique nommément désignée « toute la journée et sans qu’elle s’en rende compte » et à « lui rendre la vie impossible pendant plusieurs mois ». Pour les salariés en question, il ne s’agissait que d’une plaisanterie et de propos parfaitement humoristiques. Manifestement choqué, un collègue de travail qui avait accès aux échanges en tant qu’« ami », avait pourtant transféré à l’employeur une capture d’écran de la page concernée.

Ce dernier avait immédiatement réagi par trois licenciements pour faute grave, aux motifs d’incitation à la rébellion contre la hiérarchie et dénigrement envers la société. Si l’un des salariés concernés a renoncé à contester le bien-fondé de son licenciement, préférant signer une transaction, les deux autres ont saisi les prud’hommes, faisant valoir, d’une part, que les propos ne constituaient pas un dénigrement de l’entreprise et, d’autre part, que l’employeur ne pouvait se prévaloir de conversations strictement privées, protégées par les articles 9 du Code civil (« Chacun a droit au respect de sa vie privée ») et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Glissement dans la sphère publique

Le conseil de prud’hommes a finalement statué en faveur de l’employeur. Première question tranchée : l’employeur pouvait-il, sans violer le droit au respect de la vie privée, fonder le licenciement et produire aux débats la page mentionnant les propos litigieux ? Réponse positive. Le salarié avait choisi dans les paramètres de son compte de partager sa page avec « ses amis ou leurs amis », permettant ainsi un accès ouvert au plus grand nombre, notamment les salariés ou anciens salariés de la société. Ce mode d’accès à Facebook, dont avaient connaissance les deux autres salariées congédiées, dépasse donc la sphère privée et il ne peut être reproché à l’entreprise d’avoir violé le droit au respect de la vie privée en s’appuyant sur des propos considérés de fait comme publics. Le moyen de preuve a été jugé parfaitement licite. Deuxième question : la teneur de ces propos caractérisait-elle pour autant une faute grave ? Réponse également positive des juges du fond : les échanges ne pouvaient être considérés comme simplement humoristiques ; les salariées ont abusé de leur liberté d’expression garantie par l’article L. 1121-1 du Code du travail et nui à l’image de l’entreprise, en raison d’une part des postes occupés – chargées de recrutement en contact avec des candidats et futurs salariés – et, d’autre part, de la large diffusion des échanges (11 salariés de l’entreprise étaient classés parmi les amis du titulaire du compte). Les salariées devraient faire appel de ce jugement.

La Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur l’admissibilité, au soutien d’une procédure disciplinaire, de propos tenus sur les réseaux sociaux. Elle pourrait être prochainement amenée à le faire, les contentieux se multipliant en la matière. Il n’est pas exclu qu’elle confirme la solution retenue le 19 novembre. En effet, la jurisprudence admet qu’un fait de vie personnelle, commis en dehors des heures et lieux de travail, peut justifier un licenciement disciplinaire dès lors qu’il se rattache, par un élément, à la vie professionnelle(Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-43.227) ou qu’il s’accompagne d’un manquement à l’obligation de loyauté(Cass. soc., 21 octobre 2003, n° 01-43.943), ce qui pourrait être le cas de conversations malveillantes tenues en public à l’extérieur de l’entreprise et mettant en cause son organisation ou ses responsables. Par ailleurs, il a déjà été jugé que l’exercice de la liberté d’expression en dehors de l’entreprise peut justifier un licenciement s’il dégénère en abus(Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 94-43.859 ; Cass. soc., 7 octobre 1997, n° 93-41.747).

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